Pourquoi tout le monde se trompe à se préoccuper constamment du CRS ?

Les données de cet article ont été vérifiées le 27 novembre 2025

Écrit et vérifié par Félix. En savoir plus sur moi →

Dans les cercles d’expats, de banquiers privés et de fiscalistes “Twitter-certified”, le même réflexe revient en boucle : dès qu’on parle de protection de patrimoine ou d’offshore, tout le monde sort le même mot-clé comme un mantra : CRS.

Le Common Reporting Standard est devenu une sorte de totem. Certains refusent un pays uniquement parce qu’il est “CRS compliant”. D’autres imaginent qu’en trouvant une juridiction “hors CRS”, ils sont devenus invisibles. Les deux ont tort.

La vérité est simple : le CRS n’est qu’un outil parmi beaucoup d’autres dans l’arsenal de surveillance et d’échange d’informations des États. Se focaliser uniquement dessus, c’est faire l’impasse sur tout le reste de l’arsenal des états.

Si vous voulez réellement vivre avec “le moins d’État possible”, vous devez arrêter de voir le CRS comme l’ennemi principal, et commencer à comprendre l’écosystème complet des accords d’échange d’informations et de surveillance de masse.

Le CRS : utile à connaître, dangereux à surestimer

Le CRS (Common Reporting Standard), c’est l’initiative portée par l’OCDE qui impose aux banques et institutions financières de la plupart des pays de transmettre automatiquement des informations sur les comptes de non-résidents à leurs États d’origine.

En pratique, si vous êtes résident fiscal d’un pays CRS avec un compte dans un autre pays qui applique aussi le CRS, les infos de ce compte (solde, intérêt, titulaire, parfois mouvements) sont automatiquement échangées entre les deux pays, tous les ans.

Oui, c’est un outil de surveillance fiscale global. Oui, c’est intrusif. Oui, c’est un problème pour ceux qui veulent garder une partie de leur vie financière hors radar.

Mais non, ce n’est ni le seul problème, ni le plus dangereux. Et le traiter comme le centre de votre stratégie, c’est une erreur stratégique majeure.

Avant le CRS, il y a eu pire : FATCA

Quand on parle d’échange d’informations, il faut commencer par l’éléphant dans la pièce : les États-Unis.

Bien avant le CRS, les États-Unis ont imposé au monde entier leur propre système : FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act). L’idée est simple : si une banque étrangère ne coopère pas et ne donne pas d’infos sur les “US persons” (citoyens américains, détenteurs de green card, etc.), alors elle se fait pénaliser lourdement sur toutes ses opérations en dollar.

Résultat : la quasi-totalité de la planète bancaire a capitulé. Des accords bilatéraux se sont empilés, et aujourd’hui, FATCA donne aux États-Unis un pouvoir d’accès massif aux données bancaires de leurs contribuables, partout sur terre.

Le détail qui dérange : les États-Unis n’appliquent pas le CRS. Ils exigent des autres de la transparence, mais refusent de jouer le même jeu. C’est un rapport de force, pas de la coopération “symétrique”.

Conclusion : si vous ne regardez que le CRS, vous ratez déjà le plus gros prédateur du système – et le modèle qui a inspiré une bonne partie de ce qui a suivi.

Les TIEA, conventions bilatérales et accords obscurs

Ensuite, il y a tout ce qui ne porte pas un acronyme “sexy” comme CRS ou FATCA mais qui fait le vrai boulot en coulisses :

  • TIEA (Tax Information Exchange Agreements) : accords bilatéraux d’échange d’informations fiscales entre deux pays, souvent signés avec des juridictions dites “offshore”. Ils permettent à un pays A de demander des informations ciblées sur un contribuable auprès du pays B.
  • Conventions fiscales bilatérales : ces traités “pour éviter la double imposition” incluent quasi systématiquement des clauses d’échange d’informations. France–Suisse, France–Émirats, Suisse–USA, etc. Derrière les jolis prétextes, ce sont aussi des canaux de renseignement fiscal.
  • Accords spécifiques sectoriels : certains États ou blocs (UE, OCDE…) créent des dispositifs ciblés sur certains types de revenus, de personnes ou de structures (trusts, sociétés transparentes, etc.).

Ce qui compte pour vous : chaque fois que deux États signent un papier ensemble, il faut aller voir s’il y a une clause d’échange d’infos dedans. Le CRS n’est qu’un standard parmi une galaxie de textes bilatéraux, régionaux ou thématiques.

Au-delà de l’info bancaire : l’assistance administrative et le recouvrement

Beaucoup de gens s’arrêtent aux échanges d’informations. Ils se disent : “ok, mon pays d’origine saura que j’ai tel compte, mais il ne pourra rien faire, je suis parti.” Là encore, c’est une sous-estimation du système.

Il existe des conventions d’assistance administrative mutuelle où deux pays (ou plus) s’engagent à :

  • s’échanger des informations sur demande ou automatiquement ;
  • se prévenir en cas de suspicion de fraude, d’évasion ou de non-déclaration ;
  • s’entraider pour le recouvrement : concrètement, un pays A peut demander à un pays B de l’aider à récupérer une dette fiscale auprès d’un contribuable installé sur son territoire.

C’est un niveau supérieur de coopération : on ne parle plus seulement de “surveillance”, mais d’exécution concrète. Votre ancien pays ne fait pas que vous regarder – il peut se servir de votre nouveau pays comme bras armé pour venir chercher l’argent directement là où vous vivez maintenant.

Si vous cherchez à vous protéger d’un État prédateur, ces traités d’assistance au recouvrement sont souvent plus importants à surveiller que le CRS lui-même. Un pays sans CRS mais avec assistance agressive au recouvrement pour votre nationalité peut être bien plus dangereux qu’un pays CRS “classique” mais non coopératif sur l’exécution.

Five Eyes, Nine Eyes, Fourteen Eyes : la surveillance bien au-delà des banques

Le fisc n’est qu’une pièce du puzzle. La réalité moderne, c’est une surveillance globale qui dépasse largement le cadre bancaire.

Les alliances de type Five Eyes sont des coalitions de pays anglo-saxons (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) qui partagent massivement du renseignement : communications, métadonnées, trafic internet, signaux, etc.

À partir de cette base historique, se sont ajoutées des extensions :

  • Nine Eyes : ajout de plusieurs pays européens (dont la France, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège… selon les sources et périodes) ;
  • Fourteen Eyes : encore plus large, incluant notamment l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, la Suède, et d’autres.

Ces alliances, ce ne sont pas des petits clubs de discussion. Ce sont des réseaux de partage massif de données numériques et de renseignement : interceptions, données de communication, surveillance internet, parfois recoupées avec des données financières et administratives.

En clair : pendant que tout le monde panique sur le CRS, vous avez des structures entières dédiées à aspirer et croiser vos traces numériques, vos déplacements, vos communications, vos connexions, et potentiellement vos flux financiers.

Pour un humain qui veut vraiment réduire l’empreinte de l’État dans sa vie, ignorer ces alliances est une erreur bien plus grave que de sous-estimer le CRS.

Exemples de combinaisons toxiques entre États

Regardons quelques schémas typiques :

  • France + pays de l’UE : la France est intégrée dans un réseau dense de conventions fiscales, de directives d’assistance mutuelle au recouvrement, d’échange automatique (type CRS), et en plus elle est impliquée dans des alliances de renseignement plus larges. Sortir fiscalement de France ne se fait pas “juste” en changeant de domicile.
  • USA + reste du monde : les États-Unis ont FATCA, un réseau massif de conventions fiscales et une machine de renseignement planétaire. Ils considèrent leurs citoyens imposables à vie, où qu’ils vivent. Un Américain qui ne regarde que le CRS se tire une balle dans le pied.
  • Pays “offshore” + accords TIEA : certains paradis fiscaux historiques ont signé une multitude de TIEA. Ils n’ont pas forcément le CRS, mais ils peuvent livrer des informations sur demande, pays par pays, en cas de suspicion.

L’idée n’est pas de dresser une liste noire ici, mais de vous faire comprendre une chose : ce qui compte, ce n’est pas un seul acronyme, c’est la combinaison des accords auxquels vos pays (origine + destination) ont adhéré.

Pourquoi se focaliser sur le CRS est une erreur stratégique

Se préoccuper du CRS, c’est légitime. Le balayer d’un revers de main serait naïf. Mais en faire l’alpha et l’oméga de votre stratégie de protection, c’est dangereux.

Parce que :

  • Le CRS ne couvre que les informations financières déclarées par les institutions ;
  • il existe d’innombrables canaux parallèles (TIEA, conventions fiscales, accords d’assistance administrative, directives de recouvrement, coopération policière et judiciaire) ;
  • les alliances de renseignement type Five/Nine/Fourteen Eyes dépassent très largement le champ fiscal ;
  • l’État moderne fonctionne par agrégation de signaux : banques, télécoms, plateformes, données de voyage, cloud, etc.

Construire une stratégie “anti-État” en se contentant d’éviter quelques pays CRS, c’est comme croire qu’on échappe à un drone en changeant juste de trottoir.

Ce qu’il faut vraiment surveiller si vous voulez devenir stateless

Si vous voulez sérieusement reprendre le contrôle, vous devez changer votre grille de lecture. Au lieu de demander “Est-ce que ce pays est CRS ?”, commencez à poser des questions du type :

  • Avec quels pays mon pays d’origine a-t-il des conventions fiscales complètes (y compris échange d’infos) ?
  • Mon pays d’origine et mon pays de destination ont-ils un accord d’assistance mutuelle au recouvrement ?
  • Les juridictions où je mets mon argent ou ma société font-elles partie de Five/Nine/Fourteen Eyes ou alliances similaires ?
  • Quels types de données (bancaires, télécoms, cloud, déplacement) sont légalement accessibles et partageables entre ces pays ?
  • Où se situent réellement mes risques principaux : fisc, pénal, conformité bancaire, blocage de fonds, etc. ?

C’est cette vision globale qui vous permet de réduire réellement la pression de l’État sur votre vie, au lieu de déplacer simplement le problème d’une case à une autre.

Sur Stateless.to, on cartographie l’ensemble du champ de bataille

Sur Stateless.to, on ne se contente pas de répéter “CRS = pas bien, non-CRS = safe”. Ce genre de simplification rassure, mais elle vous met en danger.

Notre approche : traiter l’intégralité des mécanismes de surveillance et d’échange d’informations :

  • CRS, FATCA et autres standards d’échange automatique ;
  • TIEA et conventions bilatérales d’échange d’infos fiscales ;
  • conventions d’assistance administrative et de recouvrement d’impôts ;
  • alliances de renseignement de type Five/Nine/Fourteen Eyes ;
  • pays qui coopèrent de manière agressive, et ceux qui résistent encore.

Nous maintenons une base de données actualisée sur ces sujets, accessible sur Stateless.to, pour vous permettre de construire une stratégie fondée sur des données réelles, pas sur des mythes Telegram.

Le CRS est une pièce du puzzle, importante, mais ce n’est pas le boss final. Si vous voulez sérieusement avancer vers une vie stateless, vous devez regarder l’ensemble du système de surveillance et de coopération étatique. C’est exactement ce qu’on fait pour vous, en continu, dans nos articles et dans la base de données de Stateless.to.